Cendres et diamants by Jerzy Andrzejewicz

Cendres et diamants by Jerzy Andrzejewicz

Auteur:Jerzy Andrzejewicz [Andrzejewicz, Jerzy]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2016-09-28T22:00:00+00:00


— Vous dansez à merveille.

— Vous êtes bien poli.

— Non.

— Comment, non ?

— Non. Il paraît justement que je suis très mal élevé.

— Ah, oui ? Je ne m’en suis pas aperçue jusqu’à présent. Gentil, ce tango, n’est-ce pas ? On se croirait avant la guerre. C’est bien vous, je ne me trompe pas, qui étiez assis tout à l’heure avec Kossecki ?

— Vous ne vous trompez pas.

— C’est un ami à vous ?

— C’est un ami à moi.

— Et il vous a abandonné ?

— Je suis son ami, pas sa bonne amie.

— Je comprends. Mais savez-vous que, sans vous connaître, je vous en voulais un peu ?

— À moi ?

— Votre ami André nous avait promis de venir nous rejoindre à notre table.

— Il pouvait très bien le faire. Je ne l’en empêchais pas.

— Mais vous aviez, paraît-il, tant de choses à vous dire. Enfin, laissons cela. Ne parlons pas des absents, de toute façon ils ont toujours tort. Parlez-moi plutôt de vous. Vous avez certainement une histoire intéressante à raconter.

— Quel genre d’histoire ?

— Le genre que vous voulez.

— Qui est ce jeune homme qui est assis à votre table ?

— Fred Telezynski.

— Ça ne me dit rien.

— Comte Telezynski.

— C’est tout ?

— Vous êtes amusant, vous. Je pense que, par les temps qui courent, c’est même trop.

— C’est un cousin de la fille du bar ?

— De Christine Rozbicka ?

— Parce qu’elle s’appelle Rozbicka ?

— Vous ne le saviez pas ? Mais, voyons, vous deviez me parler de vous.

— C’est bien ce que je fais.

— Vraiment ?

— Soyez-en persuadée.

— Je crains donc que vous ayez eu raison, tout à l’heure.

— En parlant de quoi ?

— De votre mauvaise éducation.

— J’ai souvent raison. C’est donc son cousin ?

— Vous commencez à m’ennuyer. C’est pour me parler de la famille de Telezynski que vous m’avez invitée à danser ?

— Non. Plutôt de la famille de Mlle Rozbicka.

— Vous êtes mal tombé alors.

— Tant pis. Vous m’en voulez beaucoup ?

— Je voudrais vous demander quelque chose.

— Oui.

— Vous avez beaucoup bu ?

— Pas mal. Mais sans aucun effet.

— Sans aucun effet ? Dommage.

— Pourquoi ?

— Parce que je pourrais m’expliquer votre comportement par un léger abus de boisson et je ne me verrais pas dans l’obligation d’interrompre cette danse.

— Parce que vous voulez revenir à votre table ?

— Oui. Et immédiatement. Vous n’avez pas besoin de me reconduire.

— Bien.

— Alors ?

— Gentil, ce tango, n’est-ce pas ?

— Il me semble que je vous ai signifié assez clairement.

— Me présenteriez-vous à vos amis ?

Drozdowski, jeune médecin qui avait échoué comme interne à l’hôpital d’Ostrowiec après la chute de l’insurrection, laissait pérorer Me Krajewski, tout en ne pouvant s’empêcher de sourire avec condescendance.

— Non, non, mon cher maître, fit-il à un certain moment, tout ça sonne très bien, mais moi, toutes ces idéologies, il y a longtemps que j’en ai soupé.

Krajewski s’offusqua.

— Vous en avez soupé ? Je trouve que, dans ce cas précis, l’expression est pour le moins déplacée.

— Elle me semble convenir parfaitement en toutes circonstances.



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